« Une offre culturelle de proximité exigeante : voilà notre cœur de métier » Tribune du président du SNSP
Michel Lefeivre, président du SNSP, a signé une tribune dans la Gazette des Communes, parue ce 28 mai.
Cette tribune fait suite à l’article publié le 18 mai « Le cri d’alarme des directeurs de scènes publiques ».
Cette tribune est reproduite ci-dessous avec l’aimable autorisation de la Gazette des Communes.
Entre exhortation à dépenser plus, pour réduire le déterminisme social ou géographique qui freine l’accès aux arts et à la culture, et injonction de limiter les dépenses de fonctionnement, les collectivités se retrouvent dans une quadrature du cercle que dénonce le président du SNSP. Ce dernier estime aussi que la Rue de Valois reste trop focalisé sur les scènes labellisées.
Les collectivités territoriales sont sollicitées par le gouvernement pour conclure des pactes avec l’Etat visant à plafonner leurs dépenses de fonctionnement. Cette « invitation » est assortie de sanctions en cas de non mise en œuvre de ces pactes et de gratification dans le cas contraire.
« Zones blanches » et « ségrégation culturelle »
Parallèlement, la ministre de la Culture propose aux mêmes collectivités de conclure d’autres pactes qui ont pour objectif de conclure des accords sur les politiques culturelles avec comme priorités les zones blanches ou les quartiers dans lesquels se pratiquent la « ségrégation culturelle » ainsi qu’un accès à une éducation artistique et culturelle pour tous les élèves.
Outre le fait que l’on peut se demander ce que la Ministre entend par « zone blanche » et par « ségrégation culturelle », il convient de noter qu’il est demandé aux collectivités de dépenser moins d’une façon globale mais de dépenser davantage dans la culture. Il faut préciser que ces accords ne comportent à priori pas de volets financiers incitatifs de la part de l’Etat.
La question se pose ainsi de savoir quels intérêts pousseraient les collectivités territoriales à conclure de tels accords (autres que les convictions personnelles des élus) ?
Carence de l’offre
La ministre avait pourtant de grandes ambitions et notamment celle d’identifier l’offre culturelle sur le territoire. Lors de l’annonce du plan itinérance au bénéfice des zones dites « blanches », il a été annoncé une cartographie faite par le ministère de la culture. A notre connaissance pourtant, les seules informations que le ministère a en sa possession sont les cartes des scènes labellisées. Mais alors quid des autres scènes publiques, des festivals, des compagnies, des lieux de fabrique, etc… ? Comment identifier les carences de l’offre alors que nous sommes en aveugle sur ce qui existe d’ores et déjà ?
En outre, il est annoncé la généralisation du dispositif « Scènes et Territoires » mis en place par la DRAC Bretagne qui prévoit entre autres une diffusion majoritaire d’œuvres issues des scènes labellisées mais également d’œuvres soutenues par les collectivités territoriales. Ce dernier point a été étonnement oublié par le ministère…
Enfin, mettre en place des spectacles itinérants issus des établissements publics comme la Comédie Française s’apparente à une nouvelle forme de centralisme : Paris viendrait-il, ainsi, évangéliser les campagnes ? Le budget de 6.5 millions d’euros est d’ailleurs relativement dérisoire au regard de l’ambition initiale du projet.
Diversité des écritures et des artistes
Le Syndicat des Scènes Publiques qui représente plus 2.000 scènes publiques sur les territoires et tout autant de festivals défend toujours l’idée qu’il y a urgence à penser coopération entre les structures, l’Etat et les collectivités territoriales. En effet, il faut soutenir les lieux qui sont en difficulté et qui font face à des restrictions budgétaires. Il faut pouvoir pérenniser et renforcer le projet initial de la décentralisation et continuer de proposer des œuvres exigeantes dans les lieux ou les festivals de proximité. Mieux, il faut pouvoir identifier les disciplines qui sont les moins bien représentées et s’attacher à offrir « à tous et partout » la diversité des écritures et des artistes. Enfin, il faut travailler à une bonne coopération entre structures pérennes existantes : l’itinérance passe, les lieux, les résidences et les festivals restent.
De la présence d’œuvres exigeantes dépend l’ambition d’une politique culturelle ambitieuse. De la présence de services publics de coopération dépend la redistribution des richesses aux habitants sur le territoire et non de façon centralisée. La proximité culturelle c’est ce maillage existant, que nous représentons avec les centaines de compagnies installées sur le territoire travaillant en coopération au quotidien. C’est cela notre ambition et nous appelons les associations d’élus des collectivités territoriales et les directeurs des affaires culturelles à y réfléchir avec nous.